Les Poèmes du Moulin

 
 
 
Extraits de la Revue n° 42 - 1er semestre 2011
 - Page 4 -
 
 
 
 

Je sens que je vais avoir mal ! (*)
Jean-Luc LAGNIEZ

                                                                              À Georges, Raymond et Pedro
 

Je crois bien que cette fois-ci, c’est mon tour
Et déjà, commence le compte à rebours

 Sans ménagement, charité, ni détour
Esthètes médecins dans leurs beaux atours
Numérisant le décompte de mes jours
S’exclamèrent, se gloussant de mots lourds
 
Qu’avez-vous donc fait, mon bon troubadour ?
Un peu moins de trompettes et de tambours
Eût pu parfaire la longueur du séjour
 
J’hésitais entre la trouille et l’humour
Et leur répondis ces mots de bravoure
 
Vainqueur bien malgré moi du grand concours
Aux dépens de mille chevaux de retour
Il me fallût bien débouquer du four
Surgissant dans un monde de brachyoures


Alors j’ai tracé sillon au labour
Visité mille terriers et mille basses-cours
Officiant du balcon à l’arrière-cour
Ignorant des sages et leurs beaux discours
Rien ne put défigurer mon parcours
 
Mais ils ne m’écoutaient pas, ces pandours
Avisant l’infirmière aux yeux badours
Livrèrent mon sort à un mastigadou
r
 
19 avril 2010
 

Matthieu GOSZTOLA

 
 
Ton visage est identifiable à ce qui ne viendra jamais
Même avec les décibels des cris diminuer le silence
 
Un silence vu d’en haut c’est encore magnifique
Ton petit corps si étiré de douleur dans les cris
D’avant et de presque toujours est là sans être là
 
           Ce n’est pas toi qu’on enterre
C’est moi dans ma vie de toi
 
C’est moi du dedans en sourires un peu
Perdus même               mais encore vaillants pour essayer
            Qu’on enterre
À côté de ton silence toujours tout bruissant de mots épinés
            Le noir complet nous fait
Le visage brisé
 
L’affolement des mots m’a gagné
Le silence
 
Qu’est-ce que je fais de moi en gorge serrée
            Si je te trahis
J’ai beaucoup de mal dans la pensée
                      Ton visage reste sans lendemain
Des inconnus ont envoyé des fleurs
Tu ne les aimais pas tu préférais les papillons
Les déshabiller de l’image que tu te faisais d’eux
En les regardant voleter autour des fleurs
 
Matthieu Gosztola
 

Alain PORTE



Quelqu’un a barbouillé
du gris sur ma fenêtre
à grands coups de pinceau
et des traces s’accrochent
sur l’aile des oiseaux
 
Mésange en tablier
merle à l’œil étonné
 
Quelqu’un a décidé
de donner à ce jour
le poids de l’inutile
L’ombre sur ma fenêtre
garde les yeux fermés
 
Il a bouche cousue
et les joues mal rasées
 
Sur le moindre rameau
des gouttes vont en files
parfois il en tombe une
qui a lâché ses mains
dans un dernier soupir
 
La page du lointain
refuse de s’ouvrir
 
Alors on a du temps
celui de ne rien faire
front collé à la vitre
celui d’écrire un mot
de déplacer un livre
 
Tout dort dans la maison
le chat et la pendule
 
Le temps de soupeser
les nuances de gris
de leur chercher un nom
ainsi qu’un devenir
de les mettre en mémoire
 
Quelqu’un c’est évident
a barbouillé le ciel

Jean TREMER


Il est des villes qui naissent
Au demeurant des cœurs
Et qu'un faisceau d'abstrait
Tente en vain de construire
Ainsi Corpsagile m’apparut certain soir
Quand de la brume, un instant, a filtré le soleil
Par-delà la cambrure des sentiers parfumés
Dans un jaillissement d’auréoles vermeil
Pourtant je n'étais pas le danger qui persiste
Plutôt un sang de vie ébloui d'étincelles
Mais je fus transporté par l’hallucination
De cette ville-mirage enrubannée de ciel
Et mon corps en pulsions
Semait païennement
En toi mes ardeurs
Éclatées de soleils

_____

Dany VINET

La morsure du froid
Pénètre tout son être
Lacère ses chairs
Dévore son corps
Électrise son sang
Inhibe ses pensées
 
Il tremble et frissonne
La chaleur de son cœur
Ne peut briser la glace
Qui fige tous ses actes
 
            Pourtant….
La terre se réchauffe
Et les esprits s’échauffent
Les nouvelles circulent
Plus vite que la lumière
Et la planète entière
Sait qu’il est pétrifié
À l’instant où son âme
Expire un dernier souffle
 
 
Trop haut
Trop vite
Trop loin
Trop tard !

Yusuf KADEL


                                                   Pour Ziyad
  
J’ai un truc au cœur
Dont le nom s’épanche
Mon médecin lorsqu’il m’ausculte
Fait la moue
Hausse les sourcils
On pourrait scruter des heures durant
Les plis sur son front
Sans en dénombrer la moitié du tiers
J’ai un truc au cœur
Un lapin électrique
Une rousse à quenottes
Un chien andalou
C’est baroque
Mais ça me fait sourire…
 
Il me faut être heureux
Sans alcool ni tabac
Sans orgueil
Heureux
Au petit bonheur
 
L’amour m’est permis
Avec modération

Volutes
Jules MASSON MOUREY

 


C’est une longue fumée blanche aux allures de bois bleu
Qui crépite et qui danse, qui languit et se fond
Dans la gaze immobile du grand ciel silencieux ;
Ce vieux marbre des anges, ce fascinant plafond.
 
Ce sont des vignes rousses, pleines d’herbes et de terre.
Le temps les a salies, Octobre les embrase
De son haleine humide, inaudible prière
Que crache une cheminée, au loin, dans de la vase.
 
C’est une petite maison de pierre sèche et de bois
Vermoulu et verdi par un lierre sournois ;
Une marmite de bronze y fume depuis cent ans.
 
Il y nage sûrement des vapeurs antiques,
Comme les fagots d’antan dans les vieilles boutiques,
L’air y flotte et y brûle comme des cheveux d’enfant.

 
 
 
 
 
 




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